Le metteur en scène Benjamin Lazar offre une réadaptation scénique puissante de cet opéra, vibrant tableau de la société parisienne du XIXe siècle. C’est l’histoire bouleversante de Violetta, une courtisane de la haute société qui se sacrifie pour sauver la réputation de son amoureux. Les tourments de l’amour et de la conscience, dans un monde où les désirs passionnés se heurtent aux contraintes sociales, nous sont restitués par une distribution exceptionnelle, dont Judith Chemla qui incarne magistralement l’héroïne lyrique. La musique envoûtante et le récit poignant font de cet opéra une expérience émouvante et inoubliable.
En français et italien, surtitré en français
D’après La Traviata de Giuseppe Verdi Conception Benjamin Lazar, Florent Hubert et Judith Chemla mise en scène Benjamin Lazar arrangements et direction musicale Florent Hubert et Paul Escobar chef de chant Alphonse Cemin scénographie Adeline Caron costumes Julia Brochier lumières Maël Iger maquillages et coiffures Mathilde Benmoussa assistante à la mise en scène Juliette Séjourné assistants à la scénographie Nicolas Brias et Fanny Commaret avec Florent Baffi, Damien Bigourdan, Jérôme Billy, Emmanuelle Brunat, Émile Carlioz, Renaud Charles, Elise Chauvin, Judith Chemla, Myrtille Hetzel, Bruno Le Bris, Gabriel Levasseur, Sébastien Llado et Marie Salvat
© Pascal Gély
Production C.I.C.T. | Théâtre des Bouffes du Nord
Coproduction Théâtre de Caen | Espace Jean Legendre, Théâtre de Compiègne | Scène nationale de l’Oise en préfiguration | Le Parvis - scène nationale de Tarbes-Pyrénées | Le Théâtre | Scène nationale Mâcon-Val de Saône | TANDEM – Scène nationale | Théâtre Forum Meyrin / Genève | Le Moulin du Roc - Scène nationale de Niort | Théâtre de l’Incrédule
LE PARFUM DE LA DAME AUX CAMÉLIAS
Un parfum entêtant et paradoxal de rêve et réalité flotte autour de La Traviata, comme si la vie et la mort de cette femme prétendument « dévoyée » avaient quelque chose de plus vrai que celles des autres héroïnes lyriques. Ce parfum composé d'essences de fleurs, d'alcool, de médicaments, de peaux caressées, d'argent prétendument inodore, Giuseppe Verdi a réussi à en imprégner profondément son tissu musical, alors qu'il s'évaporait à peine de l'histoire de la courtisane Marie Duplessis, morte en février 1847, en plein carnaval.
Alphonsine Plessis, rebaptisée par elle-même Marie Duplessis, était devenue Dame aux Camélias et Marguerite Gautier dans le roman qu'un ancien amant, Alexandre Dumas fils, jouant sur l'ambiguïté entre témoignage et fiction, avait fait paraître avec grand succès en 1848. Verdi en vit l'adaptation théâtrale en 1852, lors d'un séjour parisien qui était aussi un séjour d'amoureux, et la Traviata fut créé à Venise en 1853, à la Fenice. Jugée trop scandaleuse, l'histoire avait été transposée au 18e siècle, provoquant la colère de Verdi qui tenait à l'ancrage contemporain de son oeuvre.
Six ans seulement séparent donc l'apparition de Violetta Valéry de la mort de son inspiratrice et peut-être est-ce elle le véritable fantôme de l'opéra, insufflant à toutes ses interprètes ses palpitations amoureuses, son goût frénétique de la fête, sa respiration de plus en plus difficile mais aussi la force avec laquelle elle s'est forgée un destin au sein d'une société impitoyable à l'égard de toute "sortie de route" - empruntant à chaque fois une enveloppe corporelle différente pour interroger encore et toujours ce qui lui est arrivé, comme les esprits qui reviennent jusqu'à ce que justice leur soit rendue.
Autour de ce personnage dont la brièveté et l'intensité de la vie se fait l'écho condensé à l'extrême de notre propre destinée, nous voulons mener une sorte d'enquête, qui se portera autant sur l'imaginaire des années 1840 que sur les individualités composant notre troupe d'instrumentistes, acteurs et chanteurs. On convoquera le Paris spleenétique de Baudelaire, le club des haschichins que fréquentait Théophile Gautier, le sens des poses de Gavarni et Daumier, mais aussi l'écrivain Christophe Tarkos, des images et des paroles d'aujourd'hui, jouant sur la frontière entre les époques, faisant de l'anachronisme une méthode de convocation des esprits.
EFFECTIF ET MÉTHODE : LES CONVIVES DE LA FÊTE
Nous irons explorer tout d'abord l'art de Verdi, comment la simplicité saisissante des thèmes, leur répétition et leur entrelacement, les couleurs qu'ils prennent au fur et à mesure que le drame avance, font surgir un monde à la fois passé et présent, et donnent l'impression de sentir battre le pouls de tous les personnages jusqu'aux saisissants derniers accords.
Notre dispositif de répétition et d'écriture (cinq sessions de répétitions réparties sur plus d'un an et demi) nous permet de retravailler la dramaturgie musicale en même temps que s'écrit la trame du spectacle, que ce soit par arrangements, réécriture, coupes ou ajouts. Cette façon de travailler laisse le temps d'un vrai travail d'écriture à la table, mais aussi de réagir pendant le travail au plateau, d'intégrer le fruit d'improvisations des chanteurs et des musiciens. L'effectif, testé dès janvier 2015, est de cinq chanteurs et huit instrumentistes, à savoir une violoncelliste, un flûtiste, un contrebassiste, un accordéoniste, un tromboniste, un corniste, une clarinettiste et une violoniste.
Avec cette formation flexible, nous voulons retrouver par d'autres voies toute la fougue lyrique de Verdi et son sens des contrastes. On pourra pousser à sa limite le minimalisme de certains accompagnements comme lorsque Verdi confie à une boucle musicale très simple le soin de maintenir la tension dramatique, ou lorsqu'il laisse le chanteur a cappella comme un acrobate qui sauterait d'un rocher à l'autre au-dessus du vide. Le son pourra être aussi généreux et puissant dans tous les moments où la voix lyrique a besoin d'être soutenue pour aller au-delà d'elle-même.
Cette formation fait aussi ressortir les sources populaires de Verdi, l'influence initiale qu'il avait reçue en découvrant la musique par les orchestres de passage qui faisaient halte à l'auberge familiale du village des Roncole, en Italie du Nord. Les musiciens joueront par coeur, ils seront mobiles, mêlés aux chanteurs, formant une seule communauté, dialoguant avec eux, participant à la même fête, chantant ensemble les choeurs, jouant même des rôles à part entière et ayant, comme les chanteurs, la possibilité d'être en contact direct avec les spectateurs, pour les inclure dans l'étrange frénésie festive qui ouvre l'opéra.
PAROLE, MUSIQUE, SEMPRE LIBERA
Nos recherches se tourneront aussi vers les inspirations de Verdi et de son librettiste Francesco Maria Piave. De même que la musique renouera avec ses sources populaires, l'histoire retournera au théâtre dont elle est issue. On retrouvera donc des extraits revisités de la pièce La Dame aux Camélias de 1852 et du roman de 1848. L'intérêt du roman réside notamment dans le jeu d'enchâssement de la narration : Alexandre Dumas nous rapporte les propos d'Armand Duval, rapportant lui-même parfois les propos de Marguerite Gautier. En apparaissant dans ce jeu de miroirs, le reflet de la dame aux camélias gagne en mystère - ou en épouvante, comme dans la scène où l'on déterre son corps pour l'inhumer dans une autre sépulture.
On voit aussi Marguerite Gautier jouer du piano, chanter des chansons érotiques, revendiquer une liberté qui, bien que formulée par un homme écrivain prenant ses distances avec une vie jugée trop scandaleuse, se lit au travers même des bons sentiments sacrificiels censés atténuer la puissance de cette "dame" pour lesquels les fleurs sont, comme le dit Octave Mirbeau, des "amies fidèles et violentes". Cela donne envie de voir et d'entendre une Violetta libre de jouer de la forme même de l'opéra, de s'en détacher, de s'en amuser avec ironie. Nous voulons fuir l'image complaisante d'un personnage que le public regarderait mourir comme on regarde une fleur se faner inexorablement dans son vase doré, ou un oiseau perdre ses plumes, sans que la fleur ou l'oiseau aient conscience d'être ainsi l'objet des regards avides de compassion.
De cet entrelacement du roman et de l'opéra on tirera aussi un libre jeu de passage entre le parlé et le chanté, ainsi qu'entre le français et l'italien sur-titré, avec pour seule règle celle que se donne Violetta dans son air célèbre : sempre libera - Toujours libre.
S'emparer du plus célèbre des opéras et le remettre au théâtre d'où il est venu, c'est l'occasion d'aller mettre en jeu à chaque moment la nécessité pour les acteurs de se mettre à chanter pour dire plus, pour dire autrement, pour dire, comme le cherchait Mallarmé, autre chose.
RENDRE LA MUSIQUE ET LES ÊTRES VISIBLES
Victor Hugo, se promenant en 1842 à Paris, entre sur le terrain vague laissé par un théâtre brûlé 2 ans auparavant. Au milieu des pierres, il trouve une marguerite qui lui « ouvre un abîme de rêverie » : « Pour tous ceux qui vivement de la foule appelée ici tous les soirs, quel spectre que cette fleur si elle leur était apparue il y a deux ans » (in Choses vues). Notre scène de théâtre évoquera une serre : terre, branches, bacs de culture, d'un lieu qu'on dirait abandonné, que les soins des instrumentistes-acteurs font revivre de façon éphémère, en y apportant des plantes lors de la scène à la campagne. Un grand voile horticole crée des effets de tulle, d'ectoplasmes, de nuages, donne aux images l'aspect nébuleux des souvenirs - et évoque également, en remplissant l'espace, l'emplissage maladif et mortel des poumons de Violetta.
L'espace à l'opéra propose traditionnellement une division très marquée entre la musique instrumentale d'une part, et le chant d'autre part : en bas, dans la fosse, les instrumentistes accompagnent ; en haut sur scène, l'action se déroule, racontée par les solistes et le choeur. Les instrumentistes en tant que personnes physiques sont absents par convention de l'action, et l'espace de la fosse n'a pas de lien avec l'action scénique. Les relations pensées par le compositeur entre la musique instrumentale et l'action ne sont perceptibles que par l'écoute.
Dans Traviata - Vous méritez un avenir meilleur, la division scène/fosse est abolie : les chanteurs et les instrumentistes se partagent le même espace, rendant visibles les interactions entre la musique et l'action. Ces interactions sont très nombreuses chez Verdi. Par exemple, dans le premier acte, quand Violetta a un malaise, ses invités vont danser dans l'autre pièce et l'on entend alors une musique de danse venir de la fosse. Dans notre version, les instrumentistes étant eux-mêmes les convives de la fête, ils seront à la fois les danseurs et les musiciens du bal, visibles en arrière scène, pendant qu'Alfredo reste au premier plan pour déclarer son amour, accompagné en partie au piano par Violetta elle-même. Cet espace commun aux chanteurs et aux instrumentistes permettra aussi de rendre visible les jeux d'échos entre les lignes mélodiques des chanteurs et celles des instrumentistes. L'espace permet donc que ce que l'on voit permette d'écouter mieux et plus finement la musique. C'est aussi une façon donner une dimension documentaire sur une troupe s'emparant d'une oeuvre de 160 ans et faisant corps et coeur avec elle.
Benjamin Lazar
Benjamin Lazar mise en scène
Metteur en scène et comédien, Benjamin Lazar lie la musique et le théâtre depuis ses premiers spectacles. En 2004, sa mise en scène du Bourgeois Gentilhomme, dans la production du Poème Harmonique, incluant tous les intermèdes et ballets de Lully, rencontre un très grand succès public et critique. La même année il fonde sa compagnie Le Théâtre de l'incrédule. Il y crée notamment L'Autre Monde ou les États et Empires de la Lune d'après Cyrano de Bergerac donné au Théâtre de l'Athénée en 2008 et 2013, Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau, Les Caractères de La Bruyère, Fables d'après La Fontaine, Feu d'après Pascal, Visions d'après Quevedo, Comment Wang-Fô fut sauvé de Marguerite Yourcenar.
Artiste associé de 2010 à 2013 à la scène nationale de Quimper, il y a créé notamment en 2010 l'opéra Cachafaz (Copi/Strasnoy) et, en 2013, Pantagruel, avec Olivier Martin-Salvan.
En dehors de ses créations au sein du Théâtre de l'incrédule, Benjamin Lazar se consacre également à la mise en scène d'opéra. Il a été invité dans des lieux comme l'Opéra-Comique, le Théâtre des ChampsÉlysées, le Théâtre de Caen, le Théâtre des Arts, l'Opéra de Saint-Étienne, l'Opéra de Rennes, le Grand Théâtre du Luxembourg, le Grand Théâtre d'Aix-en-Provence ou le Badisches Theater à Karlsruhe. Il a collaboré, entre autres ensembles, avec le Poème Harmonique, les Arts Florissants, Les Musiciens du Louvre, les Cris de Paris et le Balcon. Ses réalisations vont de l'opéra baroque à la musique contemporaine : La Vita humana de Marazzoli, Cadmus et Hermione de Lully, Il Sant’Alessio de Landi, Egisto de Cavalli, Cendrillon de Massenet, Cachafaz de Strasnoy, Ariane à Naxos de Straus, Riccardo Primo de Haendel.
En juin 2015, il crée Le Dibbouk d'An-ski au Printemps des Comédiens. La tournée 2015-2016 commencera par les représentations au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis.
Florent Hubert direction musicale
Des études d’écriture, d’orchestration et de musicologie ont complété sa formation de musicien de jazz. Il est un des fondateurs du Nagual Orchestra qui se produit dans plusieurs festivals et obtient le premier prix des Trophées du Sunside en 2009.
Il rencontre ensuite Samuel Achache et Jeanne Candel avec qui il crée Le Crocodile Trompeur comme directeur musical, comédien et musicien. Ce spectacle, libre adaptation de Didon et Enée de Purcell, obtient le Molière du meilleur spectacle musical en 2014.
Il est comédien et musicien dans Le Goût du faux, spectacle co-écrit et mis en scène par Jeanne Candel dans le cadre du festival d’automne et qui sera en tournée au printemps 2016. Il joue dans Fugue, spectacle musical co-écrit sous la direction de Samuel Achache et produit par la Comédie de Valence, créé au cloître des Célestins dans le IN du festival d’Avignon et en tournée en 2016.
Avec Jeanne Candel et Samuel Achache, il prépare en tant que directeur musical et arrangeur une nouvelle création autour de L’Orfeo de Monteverdi qui sera créée en janvier 2017.
Judith Chemla comédienne et chanteuse (soprano)
Étudie le théâtre au CNSAD et le chant lyrique aux conservatoires régionaux d’Aubervilliers et de Bourg–la Reine. Dès l'âge de 17 ans, elle enchaîne les expériences, sur scène, où elle joue La Tempête de Shakespeare, Le Nom de Jon Fosse, Soirée de gala adapté de Tchekhov par Roger Planchon...
Au cinéma, elle intègre la bande d'ados branchés de Hellphone de James Huth (2006), les troupes drolatiques de Faut Qu'ça Danse de Noémie Lvovsky (2007) et de Musée Haut, Musée Bas de Jean- Michel Ribes (2008), Pierre Schoeller lui offre un premier rôle remarqué, celui de la jeune mère larguée de l'intense et humaniste Versailles (2008) face à Guillaume Depardieu.
Elle intègre la Comédie Française à sa sortie du conservatoire en 2007 où elle travaillera un an et demi. Elle joue le maître de maison Molière tout comme Corneille, Hanokh Levin, Ödön von Horvath et Eduardo de Filippo. Elle défend en parallèle une poignée de courts-métrages, du Petit Chaperon Rouge de Shinji Aoyama à Fuir de Virginia Bach (2008-2012). Elle varie toujours les genres, des étoffes romanesques de La Princesse De Montpensier (Bertrand Tavernier) à la fantaisie contemporaine pour De Vrais Mensonges (Pierre Salvadori) et Je Suis Un No Man's Land (Thierry Jousse) (2010). Les planches la rappellent pour servir les éclectiques Russell Banks, Valère Novarina et Rafael Spregelburd. Elle se consacre notamment à des projets plus personnels comme le spectacle Tue-Tête qu’elle crée avec James Thierrée, joué en décembre 2010 au Théâtre des Bouffes du Nord.
Puis Noémie Lvovsky l'embarque dans sa joyeuse bande de copines adolescentes de Camille Redouble (2012) en extravertie Josépha, qui lui vaudra une nomination au César de la meilleure actrice second rôle et le Prix Lumière 2013 catégorie meilleur espoir féminin. À la télévision elle est tour à tour la sombre héroïne d'Engrenages saison 4 (2012), la blanche neige déjantée de Siegrid Alnoy dans Miroirs miroirs (2012), l'attachante psychotique de 15 jours ailleurs aux côtés de Didier Bourdon (2013), la jeune héroïne pincée de Marcel Aymé dans Le Boeuf clandestin (2013). Dernièrement au cinéma elle partage l'affiche avec Géraldine Nakache et Yaël Abecassis dans Rendez-vous à Atlit de Shirel Amitay en 2015, et avec Anders Danielsen Lee dans ce Sentiment de l'été réalisé par Mikhael Hers bientôt sur les écrans.
Artiste complice du Théâtre des Bouffes du Nord, elle a récemment interprété Didon dans Le Crocodile trompeur / Didon et Enée mis en scène par Samuel Achache et Jeanne Candel (2013) ; Violaine dans L’Annonce faite à Marie de Paul Claudel, mis en scène par Yves Beausnesne (2014), et propose un concert original autour de son univers musical, Crack in the sky (2015).