Partage des mots. L’autrice engagée Lola Lafon aime jouer avec les mots, se jouer des mots même, surtout des plus courants. Accompagnée sur scène par le musicien Olivier Lambert, elle ouvre les chapitres d’un abécédaire singulier pour interroger nos vies. Redéfinir les mots "fragile", "peur", "être" ou "sororité", c’est aussi une façon de nous tendre un miroir et de poser un regard sur notre monde. Si la définition ne correspond pas à celle des dictionnaires, elle nous démontre subtilement qu’elle est propre à chacun et chacune, liée à son parcours de vie, son histoire, ses références. Une performance délicate qui invite collectivement à la réflexion.
Un spectacle de et avec Lola Lafon composition et interprète Olivier Lambert mise en scène et lumières Emmanuel Noblet
© Christophe Raynaud de Lage
Production Théâtre du Rond-Point
Coproduction Comédie – CDN de Reims et Scènes du Golfe | Théâtres Vannes Arradon Résidence de création aux Scènes du Golfe | Théâtres Vannes Arradon
Un état de nos vies est un cheminement. Un éloge du détour, où, le temps d’un soir, on quittera la route pour le bas-côté, le temps de partager cet état de nos vies fragiles.
Un moment que je souhaite sans affirmation aucune, des points de suspension plutôt qu’un point final. Dans ce spectacle, on ne se racontera pas d’histoires, du moins, pas d’histoires ayant un début ou une fin. On partagera des mots comme autant de paysages dont on réinventera l’horizon. Dès mon premier roman, Une fièvre impossible à négocier, j’ai choisi de redéfinir des mots courants, de leur adjoindre une définition subjective, donc, politique.
Si le dictionnaire intègre chaque année de nouveaux mots, notre abécédaire intime est plus riche encore. Chacun des mots de notre vie, à la façon d’un vinyle, possède sa face A, officielle, et nous en créons les faces B : nos propres définitions mouvantes, intimes, colorées par le moment où on les a appris, la personne qui nous les a enseignés.
Si la mémoire s’étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps, des points de repère qui racontent à la fois notre histoire et celle de ceux qui nous entourent. Redéfinir les mots « fragile », « peur », « chien », « gauche » ou « sororité » est une façon de tendre un miroir, une feuille blanche. Un espace sur lequel, peut-être, après le spectacle, on pourra avoir envie de noter ses propres définitions. Chacun de mes romans a donné naissance à un spectacle, à une lecture musicale. Ici, j’ai choisi d’inverser le mouvement : pour certains, les textes que je dirai sur scène ont été publiés dans des magazines, mais pour la plupart, ils sont inédits, extraits de mon journal ou de cahiers de travail. Si l’acte d’écrire est pour moi un dialogue avec les lecteurs.rices, monter sur scène en est l’application.
Sur scène, à mes côtés, un musicien, Olivier Lambert, qui a créé toutes les bandes originales de mes précédentes lectures. Bien plus qu’une silhouette muette, il me lancera les mots à redéfinir, mots que je serais libre d’accepter ou de refuser, tandis qu’il en définira certains musicalement. On demande souvent aux auteur.e.s si l’écriture peut « changer le monde », expression intimidante et proposition impossible ; il s’agit peut-être simplement de le continuer, ce monde, d’en poursuivre le récit, en dépit de tout ce qui s’y oppose. De le faire bifurquer, de l’infléchir, grâce aux mots, toujours, qui ont la grâce de nous appartenir, à chacun et à tous.
Lola Lafon
Lola Lafon
Écrivain et musicienne, issue d’une famille aux origines franco-russo-polonaises, Lola Lafon est l’auteur de sept romans : Une fièvre impossible à négocier (2003), De ça je me console (2007), Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce (2011), La petite communiste qui ne souriait jamais (2014) et Mercy, Mary, Patty (2017), Chavirer (2020), et Quand tu écouteras cette chanson (2022). Dans le domaine musical, Lola Lafon compte deux albums à son actif : Grandir à l’envers de rien et Une vie de voleuse.
Olivier Lambert
Guitariste puis électroniste autodidacte, Olivier Lambert collabore avec Lola Lafon depuis 2002, contribuant à la création et aux interprétations de 8 spectacles littéraires musicaux et de 2 albums. Au sein de formations diverses rassemblant parfois jusqu’à 7 musicien.ne.s, il crée la « B.O. » des spectacles littéraires de Lola Lafon, référence assumée aux bandes originales musicales du cinéma, intégrant les lectures, scansions et chants de l'autrice, à l'aide de guitares, de samplers ou de synthétiseurs, explorant les libertés propres à ce type d’accompagnement musical, parfois impressionniste, parfois illustratif, parfois soliste, parfois ornementaliste. Il a aussi participé à divers projets dans les domaines de la danse, de la littérature et du cinéma. Collaborant tour à tour avec, entre autres, l’autrice Marie Nimier, la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot, la productrice Isabelle Tillou (Apsara films) ou le réalisateur Erwan Leduc. Il termine actuellement la production de ses premières chansons en tant qu’auteur compositeur arrangeur, et entame la création d’une B.O. pour un long-métrage en cours de réalisation.
Emmanuel Noblet
Comédien depuis 2000, au théâtre il joue Shakespeare, Molière, Marivaux, Lagarce, Mouawad, Fabrice Caro, Stridsberg... avec de nombreux metteurs en scène dont Catherine Hiegel, Simon Delétang, Christophe Rauck. Récemment dans La Campagne de Martin Crimp, avec Isabelle Carré, mis en scène par Sylvain Maurice. Cette saison aux Amandiers/Nanterre il joue dans deux spectacles de Christophe Rauck : Richard II de Shakespeare et Dissection d’une chute de neige de Sara Stridsberg. En parallèle, il tourne régulièrement pour la télévision et le cinéma. Notamment dans les séries SCALP de Canal+ et L’Art du crime de France 2 ; au cinéma dans La Conquête de Xavier Durringer et Chic de Jérome Cornuau au côté de Fanny Ardant. Il a été régisseur et éclairagiste au théâtre. Il a mis en scène deux spectacles musicaux : Et vivre était sublime (Prix du public Avignon OFF 2015) et Dabadie ou les choses de nos vies (en tournée actuellement) avec Clarika et Maissiat. En 2017, son adaptation et mise en scène, en collaboration avec Benjamin Guillard, du roman Réparer les vivants de Maylis de Kerangal, qu’il a jouée plus de 300 fois en France et à l’étranger, a remporté le Prix Beaumarchais du Meilleur Spectacle de Théâtre Public et lui a valu le Molière du seul-en-scène. Il travaille le plus souvent à des adaptations littéraires qu’il met en scène. Boussole de Mathias Enard sur demande de l’auteur - Prix Goncourt 2015, Le Discours de Fabrice Caro, VNR de Laurent Chalumeau, et récemment Une sur deux de Giulia Foïs lors de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes sur France Télévisions, avec 22 comédiennes.